Les illusions du RIC

Les Gilets jaunes sont en colère, à juste titre, contre les partis qui ont tous défendu une politique oubliant complètement la situation dramatique des millions de personnes qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois, et même à vivre tout simplement. C’est pourquoi le « référendum d’initiative citoyenne » (RIC) leur paraît être la bonne solution. Il permet en effet à la population de s’exprimer directement, sans passer par le filtre déformant des partis politiques.
Ils rejoignent ainsi, sans le savoir, l’analyse que faisait la philosophe Simone Weil des partis politiques il y a bientôt cent ans. La militante politique et mystique chrétienne – bien que née dans une famille agnostique – plaidait en effet pour « la suppression générale des partis politiques » :
« Comment donner en fait aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité d'exprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ? interpelle Simone Weil. Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu'il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? Si on ne pense pas à ces deux points, il est inutile de parler de légitimité républicaine. » Pour y remédier, selon la philosophe, il s'agit de supprimer purement et simplement les partis politiques, « organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice ». Argumentation ? Les partis servent une propagande – « celui qui n'en ferait pas disparaîtrait du fait que les autres en font » – et « le but avoué de la propagande est de persuader et non pas de communiquer de la lumière », pointe la philosophe. « Supposons qu'un membre d'un parti – député, candidat à la députation ou simplement militant – prenne en public l'engagement que voici : Toutes les fois que j'examinerai n'importe quel problème politique ou social, je m'engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d'autres l'accuseraient de trahison. Les moins hostiles diraient : Pourquoi, alors, a-t-il adhéré à un parti ? ».
Donc vive la démocratie directe ! On pense tout de suite à la Suisse. Comme l’explique le Figaro du 18/12 : « Plus de 550 objets ont été soumis au vote des citoyens suisses depuis la naissance de l’Etat fédéral en 1848. Dans l’agenda politique, au minimum quatre dimanches par an sont réservés aux votations. Et c’est sans compter les objets cantonaux sur lesquels les habitants d’un canton ou d’un autre sont appelés à ce prononcer. En 1893, les Suisses votaient déjà pour l’interdiction d’abattre le bétail de boucherie sans l’avoir préalablement étourdi ».
Mais cela ne se passe pas toujours aussi bien. Ainsi, en Californie, où l’ « initiative citoyenne » existe depuis 1911, des groupes de pression privés y ont trouvé la possibilité de faire voter des lois qui contredisent la législation nationale, pour le meilleur ou pour le pire. « Depuis 2000, 2 milliards de dollars ont été dépensés, par exemple en vue d’annuler une loi visant à taxer le forage pétrolier pour financer les énergies renouvelables » (Le Figaro du 18/12).

Ainsi le RIC peut se retourner contre les citoyens

Alors, que faire ? Comment les justes revendications des citoyens peuvent-elles être entendues ? L’espoir placé dans le RIC provient de cette illusion que le peuple est souverain. C’est ce qu’on s’acharne à nous faire croire depuis la révolution française de 1789. Mais si on en est là, cela prouve bien que cela ne fonctionne pas, parce que des intérêts privés, se moquant délibérément des conditions de vie du peuple, s’arrangent pour faire voter les lois qui les servent, à l’encontre du bien commun.
C’est tout simplement le résultat d’une société sans Dieu. Rappelons encore et encore la parole du Christ : « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » (Luc 16, 13). Les rois de France se sont toujours battus pour la défense du peuple contre les oligarchies qu’étaient les féodalités. C'est pourquoi seul un roi, étant au-dessus des partis et dévoué à Dieu et au bien du peuple, peut veiller à orienter la politique dans le sens du bien commun.

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