Lettre ouverte aux Nationalistes

Le journal RIVAROL du 27/05/2020 publie une analyse du livre de Jean-Jacques STORMAY, « Réflexions sur le nationalisme » qui apparaît comme une synthèse pertinente de la pensée nationaliste.
La citation placée en exergue est une bonne illustration du grand écart qu’essaient en vain de résoudre les nationalistes, entre leur adhésion à la doctrine fasciste et leur volonté de se positionner en chrétiens : « il n’est de nationalisme que s’il est fasciste, il n’est de fascisme capable de dépasser l’élan sentimental qui le suscite que s’il est catholique ».
Disons tout de suite que même les organisations nationalistes qui se disent chrétiennes – le PNF et Action Française – ne parlent jamais de Dieu dans leur propagande ou peut-être d’une façon très abstraite.
En lisant Saint Thomas d’Aquin, il vient à l’esprit qu’un nationaliste ne peut être que royaliste. C’était d’ailleurs ce que défendait Charles Maurras. Or on trouve chez Stormay l’explication du rejet de cette voie par les nationalistes : il faut, résume Rivarol, « se détourner des rétrogrades, de la solution royaliste, de la solution contre-révolutionnaire, de l’idée qu’un simple retour en arrière avec les institutions du temps passé pourrait résoudre définitivement les problèmes politiques ». C’est « jeter le bébé avec l’eau du bain » car, même si la critique est fondée à l’égard de certaines organisations royalistes, rejeter toute voie royaliste, c’est rejeter le concept du « roi, lieutenant de Dieu sur terre » pour le remplacer par le fétichisme d’un homme providentiel.
La deuxième erreur des nationalistes est d’idolâtrer la nation, vue comme un tout indivisible. Cette idée leur vient sans doute de la nostalgie des foules hypnotisées par un « duce » ou un « führer », ce qui correspondait à une époque historique bien particulière. Ainsi ils se privent de toute possibilité de se démarquer de l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».
C’est là qu’il faut revenir à Jésus, qui dit : « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » (Luc 16, 13). En ignorant ce précepte, les nationalistes en sont réduits à se lamenter 1) de l’impossibilité de construire une alternative nationaliste unifiée à l’échelle de l’Europe ; 2) de ce qu’ils appellent la léthargie (ou autre qualificatif plus violent) du peuple français, considéré comme un troupeau de bœufs incapable de résister au joug mondialiste. En effet, une alternative solide ne peut se construire qu’en prenant position face au clivage fondamental : Dieu ou l’argent, autrement dit la royauté ou le mondialisme.
Cette vision de la nation, considérée comme une et indivisible, est la négation d’une évidence : le peuple français, comme tout autre peuple, est divisé en une multitude de strates traduisant autant de degrés de prise de conscience que toute organisation politique sérieuse ne peut ignorer.
Ainsi une organisation nationaliste conséquente doit mettre en place une division du travail entre ses militants : les uns, qui apparaissent en public avec le risque que cela représente, doivent faire de la propagande non sur un programme électoral (ce qu’ils peuvent faire occasionnellement) mais sur un projet de société qui se résume par le slogan : DIEU – FAMILLE – PATRIE ; les autres doivent agir en sous-marins au sein des organisations que s’est choisi le peuple pour se défendre, non pas pour tromper qui que ce soit ou faire de la manipulation, mais pour que le regard que l’on porte sur eux soit directement lié aux propositions d’actions qu’ils font et non à des préjugés relatifs à telle ou telle étiquette politique.
Ces militants engagés dans les organisations de masse doivent démontrer sur le terrain que leurs propositions sont celles qui sont les plus efficaces pour faire reculer ponctuellement le pouvoir, par exemple, en exigeant la protection de nos frontières, l’école libre pour tous ou l’abrogation de la loi Taubira. C’est ce genre d’actions que les organisations nationalistes méprisent, car jugées « pas assez politiques ». Et ce sont pourtant celles qui permettent aux couches concernées de la population de comprendre progressivement la domination de l’oligarchie mondialiste. Ainsi la mobilisation populaire se fait par étapes. On sort du scénario idéaliste du tout ou rien.


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